2 NOVEMBRE 2020. A nous l’hiver polaire! Au terme d’une navigation de trois mois au départ de la Bretagne, la première saison de The Arctic Expedition vient de s’achever en Islande. Le voilier Mauritius s’est amarré début septembre près de Reykjavik, où il a été préparé en vue de son hivernage et de la reprise de l’expédition, au printemps 2021. Entre péripéties liées au COVID, icebergs et lancement des programmes notamment scientifiques, retour sur les premières semaines de notre aventure polaire.

Le lancement de l’Expédition Arctique n’a pas été de tout repos, et son principe même a été incertain jusqu’à la dernière minute. Au printemps, les difficultés liées à la pandémie ont passablement compliqué l’organisation du chantier de préparation du bateau à Portimao, au Portugal. Les modalités de confinement dans ce pays n’ont toutefois pas entravé les travaux que l’équipe a menés en redoublant d’efforts pour tenir les délais. A Douarnenez, en Bretagne, lors d’une première escale technique fin mai sur la route du Grand Nord, les entreprises surbookées au moment de leur réouverture et la difficulté à acheter d’ultimes pièces d’équipements, sans parler des considérations administratives et sanitaires dans une Europe aux frontières devenues beaucoup plus compliquées à franchir, ont fait planer le doute sur la possibilité de lancer l’expédition. Nos partenaires de l’Université de Genève avaient pourtant réussi à faire le déplacement en Bretagne pour finaliser les derniers réglages des équipements de leur programme Arctic Change de monitoring des gaz à effet de serre. Si bien que, dans un climat de frénésie mais accompagnés de notre bonne étoile – polaire –, nous avons tout de même pu donner le feu vert au Mauritius qui a largué les amarres le 8 juin, quatre jours après la réouverture des frontières européennes. S’en est suivi une remontée sans répit de la Manche puis de la mer du Nord vers la Norvège afin de respecter notre planning de navigation et nos objectifs pour cette première saison d’expédition.

arctic expedition Escale à Stavanger
Arrivée à Stavanger : va-t-on rester en quarantaine ?

Premier souci à notre escale à Stavanger, où devait se faire l’entrée administrative en Norvège: la crainte d’être obligé de rester en quarantaine pendant neuf jours, coincés à bord. Mais bonne surprise, les autorités portuaires se montrent conciliantes et pragmatiques. Elles acceptent de compter les jours de navigation depuis la Bretagne comme des jours de quarantaine et nous donnent le feu vert pour la poursuite de l’expédition. Nous remontons alors vers Tromsø, à l’extrême Nord de la Scandinavie, pour un premier changement d’équipage début juillet.

Nous mettons ensuite le cap plus au Nord encore sur le Svalbard et effectuons une semaine de cabotage le long de la côte ouest du Spitzberg, la plus grande des îles de l’archipel. Les conditions de mer très favorables nous permettent d’avoir des contacts répétés avec la faune locale et d’observer ours polaires, oiseaux marins et nombre de mammifères marins dont un groupe de 50 à 100 bélugas. A Longyearbyen où nous relâchons quelques jours, nous constatons que nous sommes seuls à quai, fait assez exceptionnel à ce moment de l’année qui voit d’ordinaire de très nombreux bateaux de plaisance de toute l’Europe affluer pour profiter des beautés époustouflantes de ces contrées polaires.

arctic expedition manta trawl
Notre « chaussette » à la traîne recueille des échantillons de micro-plastiques

Tout au long de ces premières semaines d’expédition, les équipements du programme Arctic Change poursuivent en continu leur monitoring des concentrations de méthane et de dioxyde de carbone à la surface de l’eau, complété par des relevés d’autres données scientifiques que l’équipage effectue manuellement à intervalle régulier. En cet été polaire 2020 marqué par des températures étonnement élevées, nous nous demandons quelle pourra bien être la corrélation entre cette réalité météorologique et les concentrations observées, quand elles seront analysées par nos partenaires de l’UNIGE.

Dès que les conditions de mer le permettent, nous mettons également à l’eau le manta trawl et sa « chaussette », nom du dispositif traîné derrière le voilier et destiné à récolter des échantillons d’eau de surface dans le cadre du programme Micromégas de cartographie de la pollution méso et micro-plastique, en partenariat avec l’association Oceaneye.

arctic expedition pierre baumgart
Pierre Baumgart « croque » le glacier

Autre facette – culturelle – de l’expédition, trois dessinateurs nous ont rejoints à bord : Pierre Baumgart, Matthieu Berthod et Ambroise Héritier, venus chroniquer l’expédition et les enjeux humains, environnementaux et, pour le premier, animaliers, auquel fait face cette région du monde. Tous les trois noircissent cahiers et carnets en vue de projets de sensibilisation du grand public à ces enjeux, sous forme de publications et d’expositions.

arctic expedition Mauritius in the mist
Le Mauritius cherche son chemin entre glaces et brouillard

Après une deuxième semaine de navigation le long des côtes ouest du Svalbard, nous mettons le cap sur le Groenland avec seulement deux jours de retard sur le planning prévu, en profitant d’une fenêtre météo entre deux dépressions. À proximité des côtes orientales, nous sommes engloutis par un brouillard épais, les blocs de glace autour de nous se font plus nombreux, nécessitant une vigilance de tous les instants. On réalise vite qu’il nous sera impossible d’accéder aux côtes du « pays vert » et à plus forte raison d’explorer quelques-uns de ses immenses fjords. Qui plus est, une nouvelle dépression se profile par l’ouest et nous prenons alors la décision de descendre plus au sud pour nous abriter.

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Le Mauritius est mis à quai à Keflavik

Une dernière navigation hauturière nous conduit sur la côte nord de l’Islande, que nous longeons par l’ouest début septembre pour faire escale à Keflavík, à soixante kilomètres de la capitale Reykjavik. C’est là que prend fin cette première saison de l’expédition Arctique, ou presque. Courant septembre et octobre, le voilier est préparé à son premier hivernage arctique en même temps que l’équipe technique peaufine quelques aménagements et travaux d’équipement complémentaires dans la perspective des prochaines saisons de navigation, à partir du printemps 2021.