par Caroline Guenat & Leila Hottinger
Sous la supervision du Prof. Daniel F. McGinnis et PhD. César Ordóñez

Contexte – Réchauffement climatique et émissions de gaz à effet de serre

L’Arctique est une région très sensible au réchauffement climatique. Au cours des dernières décennies, la hausse accrue des températures planétaires engendre de nombreuses conséquences et de surcroît en Arctique. La fonte des glaces et des neiges laisse apparaître la terre et l’eau ce qui diminue l’albédo (part des rayonnements renvoyés vers l’atmosphère) et exacerbe le réchauffement. Ce phénomène est connu sous le nom d’amplification arctique. Il s’agit d’une rétroaction qui accentue et accélère le réchauffement climatique initial dans ces régions mais qui impacte également dans le reste du monde. En effet, l’Arctique a beau être une région excentrée, elle influence l’entièreté du globe via la circulation atmosphérique et océanique. Étudier l’Arctique est ainsi nécessaire pour suivre et prédire les changements futurs liés au réchauffement climatique.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont à l’origine des perturbations climatiques actuelles. L’Arctique joue un rôle crucial dans le cycle global des principaux gaz à base de carbone, le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2). L’étude menée ici vise à mesurer et quantifier les flux de CO2 et de CH4, ainsi que la distribution de leurs isotopes stables du carbone (δ13C), à l’interface entre l’Océan Arctique et l’atmosphère. Il est connu que les mers de haute latitude sont des puits de CO2 importants. Grâce à ces propriétés physico-chimiques particulières l’Océan Arctique à stocké environ 30% des émissions anthropiques de CO2 depuis les années 1800. En revanche, l’Arctique est, dans une moindre mesure, une source de méthane dont le potentiel de réchauffement est ~85 fois supérieur à celui du CO2 (sur une échelle de temps de 20 ans; IPCC, 2022). Les flux de GES sont, et vont être impactés par les changements environnementaux actuels. Il est crucial de déterminer si le rôle de l’Arctique dans l’atténuation du réchauffement climatique va être compromis. Cette étude permettra ainsi d’améliorer notre compréhension de la contribution des régions polaires aux changements climatiques globaux.

Article-Mauritius-groenland

Vue sur un iceberg depuis le Mauritius

Article-Leila-manipulation

Prise d’un échantillon à bord par Leila Hottinger

Prélèvement des échantillons à bord du Mauritius

En raison de son environnement hostile et éloigné, l’Arctique a été relativement peu exploré par les scientifiques. Afin de mener à bien notre étude, l’échantillonnage et les mesures ont été effectués à bord du Mauritius, voilier de Pacifique. Les voiliers présentent de nombreux avantages pour réaliser ce type d’expédition, car ils permettent d’effectuer des recherches dans des zones variées, qu’elles soient peu profondes, près des côtes, dans les fjords ou en haute mer. De plus, le Mauritius est une plate-forme scientifique propre, qui relâche peu de GES ce qui est un détail important compte tenu de l’objet de notre étude.

Néanmoins, le fait d’être sur un voilier pose également quelques contraintes; le matériel utilisé doit être léger, robuste, facilement transportable et quelques travaux ont dû être faits sur le Mauritius pour faciliter la mise en place des instruments.

Article-yellowbrick

La « yellowbrick », l’instrument qui mesure les GES sur le mât

Article-sonde-CTD

Trou dans la coque pour la sonde CTD

Exemple d’instruments présents à bord du Mauritius. A gauche, la valise jaune est connectée à un capteur positionné en haut du mât et mesure en continu la concentration atmosphérique de CO2 et CH4 (LGR Ultraportable gas analyzer). A droite, un trou a été fait dans la coque du bateau pour y installer une sonde qui relève en continu les paramètres environnementaux tels que la température de l’eau, le taux d’oxygène dissous, la conductivité etc, nécessaire au calcul et à l’interprétation des flux de GES (YSI EXO2 probe).

Des données ont été collectées durant cinq mois à bord du Mauritius, de juin à début novembre 2021, entre l’Islande et le nord-ouest du Groenland. Au milieu de l’été, le Mauritius est resté plus d’un mois dans le long fjord de Nuuk, ce qui a permis de recueillir des données dans un environnement singulier. Au total, 388 échantillons ont été prélevés et analysés ultérieurement dans un laboratoire de l’Université de Genève.

Cette étude a permis de confirmer que l’océan à proximité de l’Islande et du Groenland est un important puits de CO2 et une source de CH4. Les zones côtières et le fjord de Nuuk contribuent significativement aux flux de GES. Ces environnements doivent faire l’objet d’un suivi particulier en raison de leur forte vulnérabilité face aux changements climatiques.

Article-Carte-echantillons

Carte des prélèvements effectués en 2021 à bord du Mauritius

Photos : Caroline Guenat & Leila Hottinger