Par-dela-le-passage (1)

texte écrit par Marion de Que Sera

Carnet de bord du 28 août au 8 septembre 2024

« 28 août, le vent est soutenu, des icebergs sont disséminés tout autour de nous. La mer est un peu formée, pas facile pour Virginie, artiste à bord, de dessiner dans ces conditions ! Un coup de gîte peut vite envoyer valser pinceaux et aquarelle par-dessus bord. Nous longeons les falaises de l’Île de Baffin et passons la latitude la plus septentrionale de notre navigation. En cuisine, les plats consistants et chauds sont à l’honneur, avec les délicieux gâteaux chocolat-banane d’Estelle.

Nous embouquons le Navy Board Inlet, le passage qui va nous mener à notre prochaine escale, Pond Inlet. Le pilote côtier indique une zone de courant fort à l’entrée du passage, et avec le vent soutenu qui nous accompagne, on s’attend à naviguer dans une mer bien agitée. Mais la chance est avec nous, et l’entrée se fait sans encombre. La mer s’aplatit et permet à Virginie de sortir de sa tanière !
Je rentre me coucher après mon quart de nuit quand j’entends Emilien : “Orques, Orques !” Il y en a une bonne dizaine avec leurs grandes nageoires dorsales noires qui fendent l’eau à côté de Que Sera.
De part et d’autre du passage, de grandes montagnes avec de gigantesques glaciers qui tombent dans la mer. La lumière est jaune et habille le relief de couleurs sombres tout en contraste. Nous tirons des bords de grand largue dans ce paysage dantesque, les yeux écarquillés.

Le 29 août, nous nous amarrons de bonne heure au quai de Pond Inlet, marquant la fin du passage du Nord-Ouest. L’entrée du port est bordée de gros icebergs échoués. Notre planning nous permet une courte escale pendant laquelle nous allons visiter le centre culturel. Les passages entre le quai et notre voilier sont assez scabreux, avec la marée on doit réaliser de jolies escalades ou bien utiliser le dinghy, manière plus sage de se rendre à terre. Nous célébrons le passage du Nord-Ouest à bord de Dog Bark, voilier de course au chaleureux équipage qui nous invite pour un repas gargantuesque.

En route pour le Groenland, une belle fenêtre météo se profile et devrait nous permettre de naviguer à la voile. Que Sera fonce dans la mer de Beaufort. La nuit, il fait maintenant bien noir pendant plusieurs heures. On veille les icebergs au radar et à quatre yeux. La fatigue se fait sentir, et je me surprends quelquefois à prendre un temps fou à m’habiller pour prendre mon quart. Nous dormons beaucoup et les rythmes des repas sont tout décalés. On teste les plats lyophilisés du bord, plutôt pas mal ! La mer est bien formée. Le vent monte, 25 nœuds, 30 nœuds, “on prend le 3ème ris ?” On essaye de rester manœuvrant à l’approche des icebergs tout en maintenant une belle vitesse.

Enfin nous apercevons la côte du Groenland et les grandes falaises striées de gris sombre de l’Île de Disko. Nous mouillons dans le fjord de Disko, une petite pause avant de retrouver nos ami.e.s à Qeqertarsuaq, et de marquer pour Emilien et moi, la fin de cette navigation dingue.

Le 4 septembre nous arrivons au mouillage à Qeqertarsuaq, et c’est l’émotion des retrouvailles avec cette communauté dans laquelle Pacifique a fait escale ces 3 dernières années. Nous accueillons Cédric, Mathieu, Josep et Charlotte à bord, qui reprennent le flambeau afin de conduire Que Sera à son lieu d’hivernage, à Terre-Neuve. »

Photos : Corentin Croisonnier

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